Rencontre avec Jean Gabriel Périot

 

Projection / débat, Montpellier, Ecole Nationale des Beaux-Arts avec Passeurs d’images

 

Bonjour, nous avons regardé ce court métrage et souhaiterions savoir, quel a été le déclencheur, le point de départ pour faire ce film ?

Je devais effectuer un travail sur la 2e guerre mondiale pour un festival, à cette période j'ai cherché pas mal d'images, des documentaires, des archives, je les ai mises dans l'ordre... J'ai découvert vraiment les images des tondes publiques à ce moment là. Ce sont des images très violentes... Au bout d'un moment, dans ce travail, mon regard s'est porté sur ce qu'il y avait autour. Je me suis rendu compte, que là, autour il y avait des gens faisaient la fête, qui exprimaient leur joie de voir ces femmes tondues.

 

D'ou proviennent les images ?

Elles viennent d'un peu partout et ont été prises par plusieurs types de personnes, en grande partie par des reporters, mais aussi par des amateurs qui possédaient des petites caméras dans les villages, certaines viennent également des cameramen de l'armée.

 

Il n'y a pas de commentaires dans ce documentaire, mais juste de la musique, parles nous de ce choix...

Il faut savoir qu'à l'époque, quand on filmait avec une caméra elle n'enregistrait pas le son. Il fallait quelqu'un à côté avec un micro et du matériel très lourd, c'était cher, compliqué. Beaucoup d'images sont donc muettes et cela jusqu'aux années 60.... J'aurais pu essayer de recréer un «faux son d'époque», mais j'ai préféré prendre La Marseillaise qui, à la Libération était jouée, chantée partout. C'est un hymne populaire dont les textes sont pourtant très violents, guerriers ? Ces paroles « collent » aux images violentes du film.

 

Est ce que ce film a déjà été présenté à des gens qui ont vécus la guerre, la Libération ? Ont-ils réagis ?

En fait, pas que je sache... Quand on passe ce film en salle, je ne suis pas toujours présent et les spectateurs ne viennent pas se présenter spontanément pour me parler du film.

 

Pour situer la période exacte, est-ce que cela s'est passé juste dans les derniers moments de l'occupation, à la Libération ? Ou bien après ?

Il y a fallu plusieurs mois pour la Libération de la France, pour que les Allemands refluent d’Ouest en Est. Généralement les Américains n'arrivaient qu'après leur départ, des fois quelques jours, parfois plusieurs semaines après... Ces scènes d’épuration sauvage se sont déroulées pendant cette période. Quand les militaires arrivaient parfois pendant ce type de scènes, ils tentaient d'empêcher les exactions, les violences. C'était une période trouble...

 

Est-ce que les victimes, ces femmes dont on rase la tête avaient été jugées, reconnues coupables ?

Certaines femmes ont été « seulement » tondues lorsqu'elles avaient seulement couché avec des Allemands. Mais celles qui avaient été accusées d'avoir collaboré, d'avoir livré des Juifs ou des résistants pouvaient être tuées. Et tout cela sans qu’aucun tribunal ne les condamne.

 

Les sujets que tu choisis parlent principalement de la violence, la lutte contre l'oubli est-elle le point commun de tes courts-métrages ?

La violence est un des liens entre mes films évidemment... Par contre, la question de l’oubli, de la mémoire ne concerne que quelques un de mes films.

 

Comment fait-on pour avoir des financements pour un tel projet ?

En travaillant beaucoup ! Et en multipliant des petites sommes qui à la fin permettent de faire des films. C’est un vrai travail pour trouver les financements des films ! D’autant plus si l’on parle de longs métrages... Je travaille actuellement sur un long métrage, on a fini l'écriture du scénario sur lequel j'ai passé trois ans , et on se donne encore quatre ans pour trouver l'argent et faire le film. C'est un projet sur la bande à Baader.

 

Ce n'est pas encore un sujet très calme ! Ca parlera de terrorisme, rapts et autres réjouissances ? D'ou vient cet univers ? Ce goût pour les sujets un peu durs ?

Faire un film demande tellement de temps et d'énergie, qu'il faut aller tendre vers  ce qui nous motive le plus. Moi, ces les questions de la violence qui m’obsède le plus. Certains ont envie de partager autre chose avec le public, les faire rêver, voyager... Moi, je me pose des questions, et donc j’ai fais un choix. Ca me permet vraiment d'aller travailler le sujet...

 

Vous n’avez jamais eu envie de faire des études d'histoire ?

Non, par contre à chaque film, j'étudie beaucoup son sujet. A l'école, j'avais juste la moyenne en histoire, pas plus que ça. Alors qu’aujourd’hui l’Histoire me passionne.

 

Justement, rentrons dans l'intimité... Qu'à tu fais comme études?

Je suis allé à la fac en communication-quelque-chose, et après j'ai fais Sciences et Techniques en audiovisuel. C'était pas très intéressant en soi, mais j'ai appris ensuite mon métier avec les stages..

 

Tu as appris le travail de montage à la fac ?

C'est plutôt le hasard qui m’a conduit au montage. J'avais appris un peu à l'école, mais c’est surtout lors de mon premier stage, pendant lequel fallait que je monte beaucoup, que j'ai appris mon travail de monteur. En fait dans le cinéma, à part une ou deux écoles, on se forme vraiment en fabriquant, en faisant des films avec des potes, en participant à des tournages, en ayant des petits postes... Le cinéma est très hiérarchique, on ne commence jamais d'un coup, comme ça : « Je suis réalisateur ! » Certains y arrivent car ils sont très brillants ou on beaucoup de chance, ou des parents bien placés. Mais généralement, on commence par le bas : stagiaire, assistant, 1er assistant puis réalisateur.

 

Quels sont tes prochains projets ?

Je suis en train de finir un court métrage de fiction qui a été filmé, tourné, monté, et qui est donc maintenant je suis en phase de post-production.  Après le montage, il faut aller au laboratoire pour finir le film techniquement. Ce film est en pellicule, du coup,  c’est au laboratoire que l’on fabrique les copies, les sous titres, le générique... Ce ne sont pas des opérations très artistiques, mais elles sont nécessaires pour que le film devienne présentable. Cette phase est bientôt finie et je travaille sur un nouveau documentaire long métrage avec des images d'archives.

 

Pourquoi ce choix de tourner en 35 mm ? C'est techniquement plus compliqué...

La question du format est importante car d’elle dépend la qualité technique des films. Aujourd’hui, filmer en 35mm est nettement meilleur que de le faire avec une petite caméra. Cela donne une meilleure définition à l'image, le son en 5.1 que permet la pellicule est aussi très important. Faire passer un film vidéo en salle, c'est perdre un petit peu de cette expérience du cinéma.

 

Quels réactions perçois-tu parmi les spectateurs qui visionnent tes films ? Quel avantage a le court-métrage par rapport au cinéma ?

Encore une fois, c'est très difficile à savoir... Les spectateurs s'expriment peu, en tout cas devant le réalisateur. Il peut y avoir tous types de réactions, ça peut passer de l'ennui jusqu'à la totale adhésion, mais l'avantage du court-métrage est pouvoir proposer une réflexion, un questionnement en peu de temps, avec une forme, des rythmes différents ; des rythmes qui ne sont pas habituels au cinéma. On peut aussi éviter l'ennui d'une narration, par le simple fait d’offrir des schémas narratifs ou des questionnements plus simples ou plus directs.

 

Il y a un film que tu aimerais faire, auquel tu penses ?

Oui. Une comédie ! Je pense que l'on peut dire des choses très sérieuses en utilisant l'humour. On peut utiliser une manière absolument pas sérieuse pour faire passer un message important, une idée...

 

Quel genre  de comédie feriez-vous ?

Je pourrai dire des choses à la Tati, d'une manière drôle, très burlesque ou bien à la manière d'Eric et Ramzy, qui peuvent se permettent de faire des blagues totalement ineptes... J’aimerais faire une telle comédie proche du non sens.

 

Alors le politiquement correct c'est plutôt, non ?

Oui, c'est non !

 

Par Julien M, William, Riziène, Femand, Eduardo, Tigre
Le Fanz', 2011